Live Report

L'Experience japonaise - Jour 3

08/05/2009 2009-05-08 21:02:00 JaME Auteur : Jerriel

L'Experience japonaise - Jour 3

Effacements de l'être pour BABY-Q ; retour de Chapi-Chapo et du Gloubi-boulga avec Akane Hosaka ; Yudaya Jazz ou la redéfinition du choc sensoriel


© Jeremy Corral
Jeudi 26 mars

BABY-Q

La soirée du jeudi 26 mars débute au Théâtre de Nîmes avec la compagnie BABY-Q, formée de huit danseurs.

Dans sa nouvelle pièce, Watashi wa sororareru / I am aroused, la troupe nous transmet, sur une musique ambiante et parfois noise, la vision d'un monde sombre et délétère, stratifié entre plusieurs espaces, dans lesquels les corps se démènent pour se toucher, communiquer, s'aimer.

Un rideau est tendu sur toute la largeur de la scène, la scindant en deux, sur lequel sont projetées des images oniriques, inquiétantes, liées à la robotique, à la numérisation des données, à la perte du corps. Derrière, il est possible de deviner un mobilier succinct, et des corps aveugles qui se croisent. Une femme pénètre dans la lumière, s'allonge, prend une pose suggestive pendant qu'un homme vient la rejoindre. L'étreinte n'est pas celle que l'on attendait, et la danseuse est amenée de force contre le rideau, bientôt rejointe par d'autres femmes-objets incapables de se mouvoir. Tandis qu'un danseur dessine des traits rapides sur leur ventre (un numéro de série?), celles-ci prennent vie et esquissent quelques pas avant de tomber, comme vidées de la vie qui venait de leur être octroyée. Ramenées à leur point de départ, elles sont désormais vêtues d'un vêtement serré, qu'elles s'empressent de retirer avant de reprendre leur marche, tout à coup plus assurée. Elles sont toutefois contraintes, par ces figures masculines aux aguets, de revenir une nouvelle fois contre le rideau et de se rhabiller, inlassablement. Les rapports hommes/femmes sont tendus, et leur représentation en dit long sur une impossible émancipation féminine, rattrapée et contenue. Les danseuses parviennent toutefois à rejoindre le bord de la scène. Les corps s'unissent, donnant forme à une créature instable et vaporeuse, un monstre difforme aux bras multiples, incapable de saisir autre chose que sa propre chair, et voué à disparaître.

Tout au long de la performance, différents espaces vont s'ouvrir puis se fermer, laisser apparaître une lumière, laisser entrevoir un au-delà, mais qui se révèlera finalement être toujours aussi vide et stérile. Les figures sont sombres, et les contacts entre danseurs, violents, font référence au mouvement assisté, à la mécanisation et à la chute. A la répétition d'un processus interdisant la libre expression, ou la vie.

Une danseuse vêtue d'une jupe rouge carmin se déplace dans les allées obscures des gradins, où se trouve le public, puis rejoint la scène où elle décharge les pulsions charnelles qui l'habitent à travers différents mouvements et poses lascifs. L'imagerie sexuelle massivement médiatisée de notre société contemporaine rend toutefois invisible les manifestations réelles de la sensualité, et les corps continuent de se repousser violemment, insensibles.

Cette même danseuse réapparaît vêtue d'une combinaison intégrale argentée et lumineuse, traînant derrière elle un long voile rouge. Déifiée, cette nouvelle figure de la sensualité et de l'amour tombe déchue au milieu de la scène. Une nouvelle femme apparaît, suit les méandres du tissu carmin sur le sol. Enfin, une certaine idée d'un renouveau, organique et idéologique, est permise. C'est sur ce possible espoir quant à l'avenir de l'homme que les danseurs de la troupe se rejoignent sur scène et nous saluent. Le spectacle était réellement intense et magnifique.

Akane Hosaka

Nous rejoignons ensuite l'Odéon pour la suite du programme, avec la musicienne Akane Hosaka. Seule face à son laptop et à un clavier rudimentaire, la jeune femme nous délivre une musique électronique scintillante, où de joyeuses mélodies enfantines sautillent sur un beat enjoué. Goût de barbe-à-papa et de sucres d'orge multicolores. De ces sons qui célèbrent l'âge béni des synthés Bontempi déferlent des images de fête-foraine et de fins d'après-midi passés à regarder les dessins-animés.

Comme sorti d'un livre illustré, l'un des monstres de Pico Pico apparaît sur scène et se trémousse. Akane Hosaka est bientôt rejointe par un autre convive, un oiseau facétieux au pelage rose-bonbon, qui, posé sur sa main, s'en va trouver le micro et pousser la chansonnette.

La musique d'Akane Hosaka a cette particularité de parler à n'importe lequel d'entre nous, de nous arracher à une morne contemporanéité pour nous replonger dans un patrimoine sensoriel commun, celui de l'enfance avec ses odeurs sucrées et ses sensations de joues collantes après s'être barbouillé de Carambar.

Yudaya Jazz

Dai Soma, alias Yudaya Jazz, est un artiste pour qui l'émotion naît de la rencontre d'une image avec un son. Face à un gigantesque attirail, Yudaya Jazz manipule aussi bien les platines vinyles que les lecteurs de DVD. La musique ambiante qu'il délivre, aux sonorités tantôt électroniques tantôt acoustiques, mais toujours empreintes d'un certain mysticisme, est traitée de la même manière que l'édition cinématographique. Les coupes et différents collages sonores suscitent une impression fluide de continuité, malgré les évidentes différences de texture.

Les images diffusées sur un écran géant derrière l'artiste, filmées en temps réel par une caméra posée au-dessus du "banc de montage", permettent de rendre compte de la minutie du travail effectué. Ces images sont elles-mêmes traitées, répétées, avancées, arrêtées, et se mêlent à des vidéos d'archive, des motifs psychédéliques tournoyants, des défilements de chiffres, ou encore à des explosions de couleur.

Yudaya Jazz va jusqu'à faire participer le public à l'expérience. La caméra et le micro dirigés vers la salle, l'artiste invite les spectateurs à se manifester, à se déplacer ou à crier. Ces derniers deviennent à l'instant même le matériau de la performance, la trace visuelle et sonore non préméditée de laquelle naît une situation éphémère et unique. Durant un court instant, les images sautent, les voix sont amplifiées, Yudaya Jazz s'empare des signaux enregistrés pour les remodeler et en faire une nouvelle histoire, celle d'une réalité alternative. L'image et le son stoppent, l'artiste quitte la salle devant un public médusé et conquis par l'expérience esthétique.


Pour plus d'informations concernant les artistes du Lex, n'hésitez pas à consulter le site de Sonore ici.
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