Miyavi. Doux nom que bon nombre d'amateurs de musique japonaise commencent à connaître, bien au delà des frontières du visual kei. Il faut dire que le chemin parcouru par l'artiste depuis la fin de Dué le quartz est tout simplement exceptionnel. S'affirmant comme l'un des leaders de la scène, plus pour ses frasques et son visuel que pour sa musique au goût de certains auditeurs, celui-ci revient avec ce THIS IZ THE JAPANESE KABUKI ROCK. Un titre évocateur, allié à un concept musical furieux, on peut se demander si le guitariste a, derrière ses phrases provocatrices, osé aller au bout de son délire. Mais c'est mal connaître le trublion dont la coolitude cache en fait un grand musicien qui n'a pas froid aux yeux.
KAVKI GROOVES
Dès l'introduction le ton est donné. Quelques notes de shamisen auxquelles succèdent un entêtant riff acoustique avant que ne s'installent basse, batterie et DJ. JPN PRIDE lance avec brio l'album. Ici tout est mis au service de la puissance de la funk (Copyright Roger Troutman), et ce sera une surprise pour tout ceux qui s'attendaient à du miyavi période Gagaku. Car en effet, ici, point de metal, point de ce que l'on pourrait habituellement appeler du visual kei.
Ce n'est pas pour rien que l'artiste met en avant le concept du neo visualizm. Ici tout est rock groove et feeling. C'est donc certain que l'album ne plaira pas à tout le monde, car l'annonce faite par miyavi n'était pas un mensonge. Tout l'album trempe dans cet univers et n'offre aucun répit. Une furieuse envie de bouger empli l'air à l'écoute de l'album. Les excellentes compositions sont il est vrai aidé par une production parfaite qui restitue avec succès l'univers des morceaux.
Car les instruments sont nombreux et, malgré tout, parfaitement posés et en place. Il ne faut donc pas s'étonner d'entendre un scratch de DJ・HANGER☆ partir derrière un puissant slap de basse comme sur 21st Century Tokyo Blues. Il faut dire que malgré ce que l'on aurait pu croire, Miyavi laisse une grande partie des compositions à ses KAVKI BOIZ, sûrement conscient que sa musique ne fonctionnerait pas sans eux. L'album leur laisse même un espace d'expression avec Kabuki Danshi, où Miyavi se fait beaucoup moins présent qu'à l'accoutumé, laissant le puissant flow rappé de TYKO rythmer la chanson.
Mais malgré l'apparente facilité des chansons, techniquement et mélodiquement, l'album vaut aussi son pesant de cacahuètes. Car il ne faut pas oublier que le guitariste est, dans sa spécialité, un virtuose. Et même si beaucoup regretteront les solos à tout va de l'électrique, l'acoustique est le parfait prolongement de l'artiste. Technique, permettant toutes sortes de folies, slap en tête, celle-ci possède un son et un groove que n'a pas une guitare électrique. Même si les amplis ont toujours leur place, le fil conducteur de l'album est la technicité de Miyavi à l'acoustique.
Le Kabuki Rock est donc une grande réussite. La fusion des genres est ici tellement réussie que le nom d'Infectious Groove revient avec insistance au fil de cet album. En effet le but et la réussite des deux groupes est vraiment similaire et ce, même si Miyavi évolue dans un registre moins metal, mais accentuant du même coup la puissance funk de sa musique. On trouve donc un résultat unique, tout aussi bien visuel que musical. NOWHEREGOD en est une preuve parfaite, chanson au tempo très long, fourre-tout maîtrisé où toutes les composantes s'enchaînent avec brio, et où le chant de Miyavi améliore encore la chanson.
Car l'artiste a fait d'énormes progrès depuis ses débuts. Là où, il y a encore de cela deux albums, son chant était souvent faux et bordélique, il est ici extrêmement maîtrisé. Son timbre reconnaissable est maintenant allié à une maîtrise vocale juste. Hi no Hikari sae todokanai basho de, en duo avec SUGIZO, en est le meilleur exemple. Après une intro où la voix de miyavi transporte, la chanson déboule dans un rock puissant et rythmé où ses vocalises font un malheur et transmettent un tas d'émotion. Un des hits de l'album, rythmé par le talent des deux guitaristes, ce qui nous fait encore plus attendre S.K.I.N. pour voir les deux réunis sous une même mélodie.
Puis il y a bien sûr Sakihokoru Hana no you ni -Neo Vizualizm-, la chanson parfaite pour parler du nouveau miyavi, déjà sortie en single. Un hit qui en live prendra sans nul doute un tournant endiablé. Les deux dernières pistes, des ballades, cassent un peu le rythme de l'album, et s'avèrent peut être en trop. miyavi a-t-il voulu plaire à une partie de son auditorat ? Les chansons ne sont pas mauvaises mais s'avèrent en cassure avec le reste de l'album. Qui se clôt avec un goût doux-amer et une très légère déception...
Une chose est néanmoins certaine, ce disque ne plaira pas à tout le monde. La prise de risque et le virage pris par le musicien et sa troupe risque de décontenancer bon nombre de ses anciens auditeurs. Mais le résultat en vaut la chandelle. Fun, groovy et rock, ce THIS IZ THE JAPANESE KABUCKI ROCK est un disque qui mérite bien plus d'une écoute. Si ce n'est dans sa conclusion tirée par les cheveux, miyavi réalise tout simplement un grand disque. Compositeur et musicien de talent, il ne se repose nullement sur ses lauriers et parvient à faire une musique unique et originale. La réussite d'une évolution n'est elle pas la marque des grands artistes ? C'est précisément ce qu'est en train de devenir miyavi.
