Live Report

Retour approfondi sur les concerts de HEAD PHONE PRESIDENT à Marseille

18/04/2011 2011-04-18 05:00:00 JaME Auteur : Aurore

Retour approfondi sur les concerts de HEAD PHONE PRESIDENT à Marseille

Parce que la performance du quatuor a su convaincre, petit retour en détail sur les deux showcases proposés lors de la Japan Expo Sud.


© Aurore - JaME
La Japan Expo Sud, qui se déroule à Marseille pour la troisième fois, augmente peu à peu le nombre d'invités, musicaux y compris. Cette année encore, peu de grands noms c'est vrai, et pourtant, les talents étaient au rendez-vous. Parmi eux, HEAD PHONES PRESIDENT, groupe aux influences metal affirmées qui marque la scène japonaise depuis maintenant plus de dix ans. Une double performance qu'il est difficile de résumer tant il y a à dire.

C'est donc avec curiosité et impatience que le public assiste aux deux showcases, prévus les vendredi 25 et samedi 26. De voir le nom le plus connu du lot jouer le vendredi est une surprise, mais le public pourra sans doute se rattraper le lendemain, se dit-on. Que nenni, car ce jour-là le groupe a décidé de donner un concert spécial en acoustique, clin d'œil au dernier album sorti, Pobl Lliw.

Les quatre chaises disposées côte à côte sur la scène prédisent une performance particulièrement calme, ce qui n'est pas sans titiller les amateurs de la musique du groupe. Mais les initiés le savent, le talent d'ANZA dépasse ce genre de détails. Installés, les trois musiciens attendent l'arrivée de la prêtresse. Celle-ci entre enfin en scène vêtue d'une robe décorée d'un patchwork oriental et fleuri. Bien que la grisaille de la toile en arrière plan et la luminosité du jour qui pénètre la salle ne collent pas à l'ambiance introduite par la formation, Hang veil ne se fait pas attendre. Sur la gauche, Narumi, le visage sérieux, se concentre sur sa basse, faisant vibrer ses cordes d'un son lourd. A son opposé, Hiro laisse la mélodie envahir le lieu aidé de sa guitare sèche. Légèrement en retrait, comme s'il ne se sentirait pas à l'aise à l'avant, Batch s'occupe de la rythmique réduite à son plus simple élément, frappant à mains nues la caisse qu'il chevauche presque. ANZA, au centre de ce trio masculin, couple chacun de ses mots d'une gestuelle extravertie. Son visage est un livre ouvert qui transmet les sentiments avec la même habilité que sa voix. Jusqu'ici assise, il lui est difficile de tenir en place et ce n'est certainement pas en interprétant Inside qu'elle retrouve son calme. Ses mimiques redoutables séduisent la foule, comme un enchantement auditif et visuel - sans parler des extraordinaires mises en abîme créées par l'écran en fond -, à tel point que le solo dans lequel elle s'embarque juste après semble n'être que la normale continuité du concert. Les autres membres restent appliqués sur leur instrument, vissés sur leur chaise, laissant ANZA mener la barque, ce qu'elle fait divinement bien.

Lorsque Life Is Not Fair arrive, la tension monte d'un cran. Le morceau est une sorte de voyage oriental appuyé par le son chaud du caisson que le batteur frappe comme un djembé. Vocalisant de manière arabique sur les couplets, le chant d'ANZA devient agressif et brutal dans les refrains. Il fait l'effet d'une violence psychologique atteignant chaque personne dans le public. Les plus sensibles ne pourront pas en ressortir intact. Ses cris rapides convulsent l'audience qui ne peut plus quitter des yeux la chanteuse. Vient alors Chain, qui conclut ce set bien trop court. Criant de douleur ou perdue dans des pensées spirituelles, la belle et puissante n'hésite pas à lâcher un sourire de remerciement en sortant de son renfermement l'espace d'un instant. Elle s'installe sur un côté de la scène comme perdue au bord du gouffre et envoie ses paroles à la foule. Puis, comme après une saute d'humeur, repart d'un pas léger vers le centre de la scène. Tournant sur elle-même de manière enfantine, gonflant sa robe d'air, elle retourne dans son autisme inquiétant. L'heure de la fin a sonné et lorsque le groupe salue humblement la foule, un membre de l'organisation annonce le rendez-vous de demain qui promet d'être plus violent. Les fans conquis quittent la salle sans regret et beaucoup ne se feront pas prier pour revenir le lendemain.

Setlist :
Hang Veil
Inside
ANZA Solo
Life Is Not Fair
Chain


L'heure du second showcase arrive enfin et c'est alors reparti pour près de trois quart d'heure d'émotion pure. Le batteur Batch arrive en premier, se courbant, les mains liées entre prière et remerciement, puis s'installe derrière son instrument au complet cette fois-ci. Chacun semble impatient de se mettre à l'œuvre. Le concert commence sur des titres qui ont déjà été joués la veille, mais Hang veil puis Chain prennent alors une toute autre dimension. La guitare grésille lourdement et le son envahi l'espace comme pour électriser les personnes présentes. ANZA, micro en main, semble se préparer pour une cérémonie où elle y cédera son âme. S'agenouillant au devant de la scène, elle laisse sortir un flot de paroles venant du cœur. La basse s'occupe des dernières lignes du morceau pour rassurer l'ambiance de son rythme chaud et grave. Sans se perdre en route, le quatuor enchaîne dans la folie de Labyrinth. Narumi bouge brusquement d'avant en arrière. Se repliant sur son instrument, il semble tourner comme un lion en cage tout en grattant les cordes épaisses de sa basse. ANZA se lâche aussi, heabanguant sans retenue. Soulevant violemment son jupon de tulle noire à la manière d'une danseuse de flamenco un peu brutale, elle laisse apparaître la doublure blanche, créant une accroche lumineuse dans ce monde de ténèbres. La descente aux enfers de la raison n'est pas terminée, et cette voix contagieuse résonne dans votre tête tandis que la guitare prend le dernier virage avant de conclure le morceau.

Enfin une lueur apparaît. L'atmosphère semble s'adoucir un peu avec Light To Die, qui n'en est pas moins dépressive cependant. Les cris désespérés font écho dans la salle et la mélodie portée par Hiro fait tanguer le rythme répété par les coups précis de Batch. Mais la folie revient au galop et reprend ses droits, toujours mêlée au désespoir tranchant dégagé par le chant d'ANZA. Reality ne change pas la donne. Plus élevés, les couplets serrent les cœurs tandis que le rythme entre-deux ferait bouger le public s'il n'était pas paralysé par ces cris de sirène. Entrecoupée d'un hurlement se rapprochant du screamo, la chanteuse ne cesse de faire un chassé-croisé entre voix claire et déchirée. Si Nowhere commence sur de douces notes, la tempête continue de faire des ravages. Le guitariste, bien qu'une force tranquille, s'avance et laisse exploser sa puissance à coup de lamentations sonores. Tandis que le démon s'agite sur scène, saute et exulte, le bassiste tourne en rond d'un pas plus violent encore, battant l'air de son manche. Le sourire s'installe parfois aux lèvres comme la satisfaction de se donner à fond. Endless Line débute alors en laissant la batterie fendre l'air. Encore une fois, jouant double-jeu, le morceau dévoile toute sa force sans pour autant sacrifier les capacités vocales mélodieuses d'ANZA. Entre ses gémissements, elle se laisse sombrer dans une nouvelle aliénation, aux gestes déconcertants, parfois enfantins ou érotiques, et le public observe la scène comme un chercheur à travers la vitre d'une chambre de confinement.

Mais si les explosions semblent ne pas s'être arrêtées depuis le début du concert, Sixoneight achève le rite d'un coup de maître. ANZA commence seule en chuchotant une litanie malsaine, se roulant par terre et passant du rire aux larmes, défiant la raison. La fureur qui suit pousse les sentiments à leur paroxysme. Les supplications d'un écorché vif coupées net par quelques remords susurrés transpercent ce qui reste d'inerte dans la salle.

Réveillé par l'expressivité d'une douleur acerbe, le public de la convention, s'il a daigné entrer dans l'antre de cette live house, ne peut qu'être marqué au fer rouge par la performance de HEAD PHONES PRESIDENT. Les musiciens transpirent d'expérience et allient une certaine retenue dans le contrôle de leur instrument à un charisme attachant sur scène. Mais la clé du concert tient en la chanteuse débridée dont la présence envoûtante fascine sans relâche. De la première à la dernière note, son expression, qui déverse divers mots et maux, touche profondément d'un coup vif et perçant. Une expérience scénique à ne rater pour rien au monde.

Setlist :
SE
Hang Veil
Chain
Labyrinth
Light To Die
Reality
Nowhere
Endless Line
Sixoneight
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