Chronique

12012 - PLAY DOLLs

30/03/2007 2007-03-30 12:00:00 JaME Auteur : Nataku D.

12012 - PLAY DOLLs

Ciel Lourd, Béton Froid

Album CD

PLAY DOLLs

12012

Plus d'un an après sa sortie au Japon, voici qu'arrive enfin en Europe le premier et pour le moment unique album dans la discographie forte tumultueuse de 12012, surchargée de singles aux sorties limitées et d'une quinzaine de participations à divers omnibus, audio comme vidéo. Musicalement, cet album est loin d'être la pièce la plus accessible que 12012 ait sorti puisqu'il comporte peu de chansons ouvertement violentes et demande plusieurs écoutes attentives pour s'imprégner de l'ambiance. Ce n'est pas le genre d'album qui peut s'écouter d'une seule oreille tout en faisant autre chose, particulièrement si vous êtes néophyte dans l'univers de 12012, inaccoutumé à la contemplation immobile de ces visions des longues terres de sombre désolation que le groupe se propose de vous faire traverser durant l'écoute de leur oeuvre.

Not a calf love
Passons la chanson d'ouverture, qui s'essouffle hélas sur la longueur malgré des riffs prometteurs à son essor, pour attaquer tout de suite le gros morceau de cet album, my room agony. C'est une de ces pistes qui ont fait toute la réputation du groupe, qu'ils écrivent si bien (et qu'ils interprètent mieux encore comme ils nous en ont fait la preuve en octobre dernier), une piste qui navigue entre toutes les émotions et les ambiances, s'immobilisant emprisonnée entre les riffs plaintifs de guitares et la voix, le tout sur fond de chœurs presque pop, accélérant ensuite pour mieux ralentir et se libérer dans quelques dizaines de mesures de folie furieuse. La suivante, Wriggle girl, illustre à merveille tout le désespoir que 12012 peut trouver dans le bonheur, et est un frappant exemple de comment une ballade aux ambiances lumineuses peut perdre sa joie de vivre par quelques riffs planants et un solo de guitare obsédant, un solo dont la beauté aiguisée par la simplicité de la mélodie vous prend aux tripes. Elle annonce aussi cette nouvelle direction dans la musique de groupe, ce son si faussement pop-rock, un chant plus émotif de la part du chanteur et des nuances discrètes qui s'opèrent dans les mélodies de guitares plutôt que dans les hurlements et les coups de cymbales. La piste suivante suit un chemin semblable, même si les guitares ici se font plus lourdes, compactes comme une chape de plomb, et que la voix du chanteur virevolte entre chœurs aigus, rimes mi-scandées mi-chantées et murmure comme une obsédante mélopée de paroles qui parlent de larmes et de cœurs brisés. Alors qu'on croit qu'une troisième chanson-clone va s'aligner à la suite, des petits arpèges à la guitares viennent hanter le bord de notre spectre auditif, pour prendre les pleins pouvoirs au refrain, dans un moment qu'on pourra presque qualifier de joyeux. Contrairement à son titre, la chanson suivante, Melancholy est le résultat de la lente spirale d'accélération entamée par les morceaux précédents. Commençant par des riffs énervés, elle semble s'oublier elle-même quelque part en cours du chemin, ralentissant jusqu'à des passages presque pop, portés presque uniquement par la voix du chanteur, qui peut ainsi s'exprimer pleinement, passant des basses rauques à des aigus très propres. Soudain changement d'ambiance, Cheeky doll est une chanson à l'ambiance cabaret, énergique et assez surprenante de la part du groupe, une des bonnes surprises de l'album. Passons rapidement sur Calf love, une ballade simple et unidimensionnelle, pour découvrir un autre petit chef d'œuvre malsain de cet album, the swim, où les paroles sont murmurées plutôt que chantées durant une chanson dont les guitares lourdes éclairées par la mélodie fantomatique du piano dégénèrent finalement dans un refrain presque joyeux et jouissif. Queer passion enfin, accélère insensiblement le rythme pour un chanson où le jeu du batteur compense allègrement quelques faiblesses du côté des guitares et de la voix du chanteur qui le trahit perfidement lors des montées en puissance. Et tout se clôt sur see-saw.
La musique de 12012 est purement émotionnelle, instinctive, déconstruite, et même si elle respecte les canons de construction du rock, parfois d'ici delà des refrains viennent mourir aux milieux des couplets, et le chanteur s'arrête brusquement au milieu d'une strophe. Le groupe est à la recherche d'originalité ou plutôt d'authenticité avec ses chansons dont on ne sait jamais si elles sont tristes, ou joueuses à pleurer, et qu'on peine à décrire en quelques mots tellement le groupe aime enchaîner les passages aux ambiances variées. Ce n'est sûrement pas une musique qui pourra plaire à tout le monde mais si vous cherchez de la musique émotionnellement stimulante, foncièrement obscure et soigneusement travaillée, m'est avis que 12012 est un groupe que vous devriez essayer. Vous risquez de le trouver creux, répétitif et quelconque ou alors de laisser filer trois quarts d'heure de votre vie sans même vous en rendre compte, totalement oublieux du monde extérieur. Sous le charme.

Avis
Peut être qu'un peu moins de hâte, un peu plus de maturité musicale de la part des membres du groupe aurait été souhaitable car, alors qu'il réussissent d'habitude parfaitement l'exercice du mini-album, ici, certaines pistes ont comme un air de remplissage. Ce n'est pas qu'elles soient mauvaises ou inintéressantes mais comme cet album hésite entre jouer la carte de la cohérence générale ou de la variété hétéroclite, il peine à établir une atmosphère et quand il y réussit enfin, une chanson vient toujours briser le charme. Mais il y a de la matière ici, et une bonne introduction au monde de 12012, même si elle est assez schizophrène et presque pacifique, alors qu'en temps habituel, le groupe attaque nos tympans sans donner d'ultimatum. On peut deviner que le groupe explore graduellement des nouveaux domaines, faisant peu à peu évoluer leur son, complexifiant les entrelacs musicaux tissés par les guitares au cours des chansons, ou au contraire les simplifiant dratistiquement, et même dévoilant des nouveaux territoires pour les expérimentations vocales du chanteur, non plus dans le domaine des cris d'agonie mais dans celui du chant. On notera enfin l'esthétisme dépouillé du packaging, dont la couverture se pose en résumé définitif du monde du groupe, un monde où la lumière est violente et primaire, alors que l'ombre profonde où se cachent les sens a tant de nuances...
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