Interview

Ayano Onodera : Interview exclusive

27/04/2006 2006-04-27 12:00:00 JaME Auteur : Ayou

Ayano Onodera : Interview exclusive

Rencontre avant son concert à Paris


© Philippe Hayot
C'est dans un atelier de l'agence passerelle de Paris que JaME retrouve Ayano Onodera, quelques jours avant son concert le 8 mai au Sunside. Elle est assistée d'une amie qui l'aide à traduire, car même si elle comprend et parle un peu le français, elle préfère s'exprimer en japonais pour donner de meilleures explications.


Bonjour Ayano Onodera

Ayano Onodera : Bonjour !

Pourriez-vous vous présenter un peu plus à celles et à ceux qui ne vous connaissent pas encore ?

Ayano Onodera : Pour le moment je n'ai exercé mon activité qu'à Tōkyō. J'ai participé à de nombreux concerts là-bas dans des lives houses entre autres. J'écris mes paroles en japonais, il n'y a pas d'autres langues utilisées comme l'anglais ou le français. La musicalité utilisée reste simple. J'essaye d'exprimer mon message au travers de musiques très épurées car je souhaite qu'elle soit comme de l'eau : pure, limpide, etc... L'intention de dépouiller les chansons et mon style expliquent un peu un certain style d'art japonais qui est réputé par sa simplicité.

Qu'est-ce qui vous a poussé à apprendre le piano aussi jeune, dès l'âge de quatre ans ?

Ayano Onodera : J'ai découvert la musique et ma sensibilité vis-à-vis de la musique lorsque j'étais à la crèche. En fait, des compositions de Mozart y étaient sans cesse diffusées : matin, déjeuner, sieste, etc... C'est donc grâce à Mozart que je me suis mise à la musique : il y avait un piano à la crèche et j'essayais de jouer ce que j'entendais. C'est ainsi que l'une des personnes de la crèche a conseillé à ma mère de me faire apprendre le piano.

Y a-t-il eu un air de Mozart qui vous a plus marquée à cette période ?

Ayano Onodera : Pas vraiment. En fait de par la simplicité des compositions de Mozart, il me suffit d'une seule écoute pour retenir la mélodie et me sentir rassurée. C'était alors plus simple pour moi d'essayer de rejouer. De plus, on se sent enveloppé par sa musique et cela crée une sorte de cocon.

Vous avez été aidée pour devenir auteur compositeur par Hiroki Miyano qui a entre autre joué avec Earl Klugh et qui a plus d'une quinzaine d'albums à son actif. Pouvez-vous nous raconter cette rencontre avec ce talentueux guitariste et comment il a réussi à vous pousser dans cette voie ?

Ayano Onodera : Grâce à des amis lointains, j'ai appris qu'il y avait un concert d'Hiroki Miyano. J'y ai donc été et à ce moment-là cela a été véritablement un choc dans le sens positif du terme. J'ai de suite aimé sa musique et sa façon d'être. Par la suite, j'ai donc été le voir pour lui transmettre mes sentiments sur ce concert. Je lui ai dit que je me sentais très proche par rapport à sa musique. A cette époque-là, je n'exerçais pas du tout de la musique comme aujourd'hui, juste du piano par plaisir. Hiroki Miyano m'a alors demandé si je faisais de la musique, ce à quoi j'ai répondu que je pratiquais juste un peu de piano. Il a voulu alors que je lui joue un air. J'ai essayé de refaire sérieusement quelques compositions que j'avais créées puis je suis retournée le voir. J'ai alors joué et il m'a demandé de chanter en plus. Il a alors eu le sentiment qu'il fallait que je continue dans cette voie, bien que je n'avais nullement encore l'intention d'en faire mon métier. Il m'a alors poussée, m'indiquant que cela pourrait être difficile tout en restant fidèle à soi-même.

Etait-ce la première fois que vous chantiez pour quelqu'un ?

Ayano Onodera : Oui en ce qui concerne mes compositions. J'ai juste participé et interprété dans des copy-bands un peu avant.

Vous êtes donc toujours en contact avec Hiroki Miyano vu qu'il a joué de la guitare sur vos deux albums ? Y a-t-il quelque chose de prévu en collaboration ?

Ayano Onodera : Oui toujours. Hiroki Miyano est connu en tant que guitariste de jazz mais il joue de tous les styles de guitare : flamenco, latino, etc... Je souhaite élaborer de par sa variété de genres encore quelque chose.

Au début de votre carrière vous avez tenté de créer un groupe mais par la suite vous vous êtes engagée dans une carrière solo. Pourquoi ce revirement ?

Ayano Onodera : Quand on joue en équipe, il faut respecter l'avis de tout le monde. Et quand je compose, ce sera interprété par divers musiciens. Du coup, la musique sera produite selon les différentes interprétations, qui ne seront pas celles que j'imaginais à la base. Afin de respecter ce que je souhaite exprimer au moment où je compose, j'ai préféré ne pas fixer un groupe mais plutôt de choisir le musicien en fonction de la chanson pour correspondre au mieux à ma première pensée.

Qu'avez-vous donc découvert en jouant dans de nombreux clubs ?

Ayano Onodera : Hum... question difficile [rire] ! Cela diffère énormément par rapport à quand j'enregistre en studio. Je suis très sensible à l'espace, l'endroit où je joue : l'environnement a une influence sur moi. A chaque concert le public est différent, donc l'ambiance l'est aussi. Ma musique se finalise donc selon tous ces paramètres. Voilà ce que j'ai appris par expérience.

A ce propos, comptez-vous vous adapter vis-à-vis du public français et est-ce que vous vous préparez avec une approche différente ?

Ayano Onodera : D'une manière générale je vais faire comme-ci j'étais au Japon. Cela reste la même chose car j'essaye de présenter une musique fidèle moi-même. Par contre la France donne une certaine importance aux paroles, je vais juste faire attention à mieux interpréter.

Qu'est-ce qui vous intéresse le plus : jouer, composer ou chanter ?

Ayano Onodera : C'est très difficile là aussi [en français]. Le moment où je me sens la plus heureuse est lorsque je chante. Par contre quand je compose, au-delà même de la joie que j'ai ceci s'exprime plus dans une concentration pour pouvoir exprimer un sentiment sur quelque chose de concret. Je n'ai pas encore le niveau que je souhaite en ce qui concerne le piano, donc je ne me contente pas de dire que je suis heureuse.

Vos musiques sont donc assez éclectiques, allant d'un style traditionnel vers du jazz, en passant par de douces ballades ou encore utilisant des sonorités latines. Est-ce que vous vous portez vers un style précis ou envisagez-vous encore de vous ouvrir à d'autres genres ?

Ayano Onodera : Je ne fais pas exprès de m'inspirer de musiques latines, traditionnelles, de jazz, etc... cependant il est vrai qu'il y a différentes juxtapositions de divers styles comme vous avez pu le remarquer. A chaque instant où je produis ma musique, je suis plus intéressée par un genre qu'un autre. Dans quelques années je ne sais pas encore vers quoi me tourner, cependant en ce moment ce sur quoi je m'intéresse le plus est ce dont je me suis servi dans l'album Kibou, le "Koto". Je réfléchis à diverses idées utilisant cet instrument.

A propos du Koto, comment l'avez-vous découvert et qu'est-ce qui vous a poussée à l'utiliser dans vos compositions ?

Ayano Onodera : En fait, le Koto est assez connu au Japon et est très ancien. J'y ai pensé lorsque j'ai composé le premier titre de Kibou, Mezame, d'abord au piano. Je me suis alors de suite dite que le Koto se marierait très bien, par intuition. Ma musique est catégorisée au Japon principalement en tant que pop. Je pense qu'il est très rare d'utiliser cet instrument en pop, je dois être l'une des seules à l'utiliser et c'était une expérience intéressante pour moi. J'ai aussi été à un concert de Koto et j'ai redécouvert cet ancien instrument de musique traditionnelle. Le Koto est très long [NDLR : environ 2 mètres] tout comme ses cordes. Lorsque ses dernières sont jouées, cela produit un son très profond qui donne du volume, ce que j'ai fortement apprécié.

Dans la chanson s'intitulant HARU#, on retrouve un style qui fait très "Vieux Paris" avec le son de l'accordéon. Est-ce que cet effet était voulu ?

Ayano Onodera : Oui. C'est l'image que j'avais de Paris lorsque j'étais au Japon.

Vous étiez inspirée par un artiste en particulier ?

Ayano Onodera : Pas vraiment par quelqu'un en particulier. C'est plus avec ce que je voyais à la télé ou écoutais comme musique dans des vieux films français.

Quels films par exemple ?

Ayano Onodera : J'ai oublié les noms mais j'aime beaucoup Francis Lai.

Un homme et une femme ?

Ayano Onodera : Oui tout à fait. [NDLR : Francis Lai est un fameux compositeur français de musique de films dont Love Story, Bilitis, etc...]

Vous avez créé votre maison de production, UtoUto Music. Pourquoi un tel nom et ce besoin de faire votre propre label ?

Ayano Onodera : UtoUto Music parce que c'est une onomatopée qui exprime l'état de l'esprit que l'on a juste avant de s'endormir, un état serein et où l'on est bien. Comme j'ai dit tout au début de l'interview, je souhaite que ma musique soit comme de l'eau qui arrive chez tout le monde. Et puis, j'aime bien la sonorité de UtoUto !
Sinon, pourquoi faire mon propre label : comme vous l'avez dit, ma musique est un mélange de jazz, pop, classique, etc... Et quand j'ai voulu mettre dans les magasins de musique au Japon mes albums c'était difficile car ils ne savaient pas où me placer. Lorsque j'allais voir des maisons de production de rock, ils disaient que ce n'étaient pas du rock et cela a été la même chose avec le jazz et la pop. C'était compliqué de trouver une société de production qui soit adaptée à ma musique. Mon but est de faire découvrir au plus de monde possible mes compositions et pour réaliser cela, il fallait une structure professionnelle.

Comptez-vous distribuer vos albums en France ?

Ayano Onodera : Je le souhaite fortement oui !

Sur vos albums, il y a une petite mascotte qui s'appelle ayakuma qui provient d'un site d'images HORY'S WORLD. Pourriez-vous nous expliquer comment avez-vous découvert ce site et pourquoi avoir choisi ce personnage plus qu'un autre ?

Ayano Onodera : C'est un illustrateur talentueux qui s'appelle Hory qui a créé pour moi ce petit caractère qui me représente et il me l'a offert.

Vous vous connaissiez donc auparavant !

Ayano Onodera : Oui, j'ai toujours apprécié son travail avec beaucoup de respect.

Envisagez-vous de produire d'autres artistes avec votre maison de production ?

Ayano Onodera : Pour le moment non parce que déjà au niveau financier c'est difficile, c'est un grand investissement. Si je m'occupe d'autres artistes, il faudra s'occuper de tout ce qui est commercial, publicité, presse, etc... Lorsque l'on prend des responsabilités il faut les assumer ! Mais je souhaite un jour pouvoir exercer ce genre d'activités.

Parmi toutes vos compositions, quelle est celle qui vous ressemble le plus et pourquoi ?

Ayano Onodera : Encore une question difficile ! [rires] Ce serait Kibou, la dernière piste de mon second album. C'est celle qui est la plus proche de mes sentiments actuellement : "jusqu'où pouvons nous aller avec nos rêves ?". Voilà ce que je me dis en ce moment.

Quels sont les rêves que vous souhaiteriez réaliser ?

Ayano Onodera : Je souhaite que ma musique devienne populaire. J'aime vraiment composer. Donc si cela touche tout le monde, ce serait un rêve. Je veux toucher le cœur des gens.

Qu'est-ce qui vous a poussé à venir en France ?

Ayano Onodera : A la base je jouais surtout de la musique classique. Et qui dit musique classique dit Europe. De plus, petit à petit, j'ai découvert d'autres musiques : brésiliennes, africaines, orientales, etc... Je trouve que seule Paris possède ce mélange éclectique. A Londres, on peut aussi trouver beaucoup de genres, à New York aussi. Mais la base reste pour moi la musique classique, donc Paris. J'ai toujours été intéressée d'y venir.

Qu'est-ce qui vous manque du Japon ?

Ayano Onodera : Maintenant, rien. Je garde contact avec ma famille et amis par internet.

Après le concert que vous allez donner le 8 mai, envisagez-vous de faire d'autres concerts en France, en Europe ou au Japon ?

Ayano Onodera : Je souhaite faire des concerts partout mais pour le moment après le concert au Sunside, j'aimerais en refaire à Paris et en Europe. Courant 2006, je retournerai au Japon refaire un concert.

Quels sont les artistes français que vous appréciez ?

Ayano Onodera : Claude Debussy, Michel Pertrucciani, Henri Salvador, Serge Gainsbourg, Françoise Hardy, Edith Piaf et Barbara.

Comment les avez-vous découvert ?

Ayano Onodera : Ma mère avait des CD de certains artistes français.

Et dans les artistes plus récents ?

Ayano Onodera : Sylvain Chauveau et Carla Bruni.

Envisagez-vous des duos avec un artiste français ?

Ayano Onodera : Oui, j'ai une idée d'un projet mais je ne peux pas en dire plus.

L'un des musiciens du concert, Alfonso Pacin est un multi-instrumentiste. Il a accompagné divers artistes [NDLR : le quartet Cholo Montironi, Raul Barbozza, le trio de Madrugada, Stéphane Grapelli, etc...] qui donnaient dans un univers de tango, jazz ou folklore argentin. Comment lui avez-vous proposé de participer à ce concert ?

Ayano Onodera : En fait j'ai un ami grand pianiste de jazz, Gerardo di Giusto, que j'ai rencontré à Tōkyō. Je lui ai dit que je partais sur Paris et lui demande parfois quelques conseils. C'est ainsi que je lui ai dit que je cherchais un musicien qui puisse comprendre ma musique et il m'a conseillée de voir Alfonso Pacin. Je suis allée au concert au Sunside du groupe La Tregua dont Alfonso fait partie. J’ai été très touchée par son interprétation et je lui ai demandé de suite de collaborer ensemble. C’est un formidable musicien.

Et qu'en est-il avec Guillermo Benavides qui lui participe à beaucoup de concerts de jazz ?

Ayano Onodera : Cette fois-ci c'est par Alfonso que j'ai découvert Guillermo Benavides. Je commençais à jouer avec Alfonso et un jour il a proposé pour ma musique quelqu'un qui irait très bien avec sa contrebasse. C’est un contrebassiste qui possède beaucoup de talent.

Pourquoi avoir choisi une formation de trio pour le concert du 8 mai ?

Ayano Onodera : En concert à Tōkyō, je jouais toujours à trois personnes. Donc pour moi c'était très naturel de se retrouver à trois. Par contre à Tōkyō, c'était une basse à la place de la contrebasse.

Lors de la composition d'une chanson, qu'écrivez-vous en premier: la musique ou les paroles ?

Ayano Onodera : Musique ! Je fixe les paroles en fonction de la musique et de mes sentiments.

Votre second album, Kibou, comporte moins d'instruments que le précédent. Désiriez-vous créer une atmosphère plus intimiste et personnelle ?

Ayano Onodera : Effectivement, je voulais quelque chose de plus intime et privé. Cet album est construit de la manière suivante : une chanson = le chant plus un instrument. Quand je me suis mise en solo c'est ainsi que je procédais. J'essaye de retirer ce qui est en plus, pour minimaliser au maximum. Je m'intéresse, après ce travail, à ce qu'il va en rester avec ce minimum d'ingrédients et comment produire le maximum avec.

S'il n'y avait qu'un seul message que vous désiriez faire passer au travers de vos compositions, quel serait-il ?

Ayano Onodera : Il n'y a pas dans ma musique un seul message à transmettre. C'est plus de dire aux gens que dans le monde où l'on vit, il y a beaucoup d'amour et de bonheur. Donc cela sert à révéler cette idée. Et si les gens repensent à ça, mon but sera atteint.

Merci beaucoup

Ayano Onodera : Merci à vous.

C'est ainsi que se termine l'interview. Rendez-vous le 8 mai au Sunside.
JaME remercie Ayano Onodera et Shizuka Takahashi pour la traduction.
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